Incendies en forêt de Brocéliande.

01.

Il est environ 15h, en ce vendredi le plus chaud de cette troisième vague de canicule incendiaire qui sévit en France en cet été 2022. Je suis sur l'autoroute, je rentre en région parisienne. J'allume la radio, et j'apprends. Après les Landes, Brocéliande brûle à son tour depuis la nuit dernière.

Quelques instants plus tard à peine je vois les fumées au loin. Noires. Imposantes. Je rejoins Rennes depuis le golf du Mobilhan, j'ai même failli aller passer ma dernière nuit de vacances au coeur de Brocéliande...sans réfléchir, je sors de l'autoroute. J'ai mon Nikon sur le siège passager, mon âme de photographe reporter en éveil, mon âme tout court très peinée, inquiète, qui veut ressentir ça de plus près.

Sans le savoir, j'étais sortie à Campénéac...au coeur, à l'avant-poste, certaines parties du village sont déjà en cours d'évacuation.

J'étais là par hasard, je n'ai pas de carte de presse, alors j'ai observé discrètement le travail des pompiers et des bénévoles locaux qui sans relache venaient recharger dans le cours d'eau voisin leurs citernes, bien plus grandes en capacité que les camions des pompiers, et repartaient en trombe. J'ai discuté avec un pompier chauffeur qui m'a montré une vidéo du feu dont il revenait à peine ... à palir de frayeur tant la virulence, la hauteur des flammes est impressionante. Il est reparti au feu 10 minutes plus tard, sans rechigner.

J'ai tenté autant que possible de me rapprocher du feu, j'ai suivi en voiture les camions jusqu'au barage mis en place. Et puis, parce que je ne voulais pas les gêner dans leur action et que soyons honnêtes, je ne suis personne sans carte de presse, je savais qu'on ne m'embarquerait pas. Alors, j'ai progressé à pied. Au delà du barage, jusqu'au couvent des Bénédictines qui avaient été déjà évacuées à cause des fumées. Fumées qui je dois le dire, devenaient de plus en plus irrespirables à mesure que je progressais.

Je n'étais sans doute plus très loin à vol d'oiseaux, peut etre un kilometre, mais le temps que j'arrive, le feu avait déjà "sauté" à nouveau et créé un autre foyer plus à l'ouest, progressant inexorablement. Rien qu'en deux ou trois heures j'ai pu constater l'implacable progression des flammes, incroyablement noires et sans cesse (r)attaquant à côté dès lors qu'un front avait été maitrisé.

Les canadaires Suédois venus en renforts ne cessaient les aller-retour au dessus de ma tête...un lieutenant pompier s'arrêtant là ou je me trouvais devant le couvent cherchait son chemin...j'ose alors demander si d'aventure il pourrait m'embarquer avec lui tout en connaissant d'avance la réponse. Il refuse en souriant. Je me résigne alors et retourne au barrage en faisant du stop sur cette route improbable enfumée de bois mystique et sur laquelle ne passent plus que des camions citernes empressés et des voitures de gendamerie. Je monte dans un camion. En rejoignant ma voiture je croise des habitants inquiets qui se regroupent en se demandant si ils doivent plier bagages. J'aurais voulu faire quelque chose, mais la seule chose utile que je puisse faire, c'est dégager le terrain. Je rentre à Paris.

Et je dois bien l'avouer mon plexus accuse l'expérience de la tension, palpable au milieu de ce silence étrange...j'ai du mal à respirer.

Nous voyons toujours les pompiers en action face aux flammes, mais on ne voit que rarement ce qui se passe en amont. Alors finalement je suis très heureuse de vous livrer ce mini reportage, sans retouche, étalonnage ou mise en scène. Rien que le boulot magnifique de ces hommes et de ces femmes qui vont au front sans s'arrêter, tant que "lui", n'aura pas cessé.

Je suis rentrée chez moi...à l'heure où je poste ce reportage il est minuit trente, le lendemain. Je ne sais pas ce qui s'est passé depuis.